J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. (p. 7)
Ils se rencontrent à Monte-Carlo, elle, simple demoiselle de compagnie réservée et un peu gauche, lui, Maximilien de Winter, riche veuf anglais. Ils se marient, puis s’installent en Cornouailles, à Manderley, dans le majestueux manoir de la famille de Winter. Mais tant le domaine que ses habitants semblent hantés par le souvenir de la première Madame de Winter, la divine et redoutable Rebecca, morte dans des circonstances bizarres… Commence alors pour la frêle nouvelle épouse une lente et progressive descente aux limites de la paranoïa.
Débute ainsi un étrange récit qui, tout d’abord, se concentre sur la description de la vie quotidienne de la nouvelle Madame de Winter et de ses efforts pour trouver sa place dans un univers marqué par le souvenir omniprésent de la précédente Madame de Winter. Daphné Du Maurier excelle dans l’art de distiller les indices du déséquilibre : ses descriptions des lieux et des personnages sont subtiles et essentielles ; en quelques mots, elle crée une atmosphère vénéneuse, nimbée de mystère, quasi fantastique, et met en évidence les ambiguïtés des personnages. Et, bien vite, à cette première trame de récit sentimental, variation sur la rivalité féminine (mais comment rivaliser avec le souvenir idéalisé d’une morte ?), se mêle le suspens policier (dans quelles circonstances exactement Rebecca s’est-elle noyée ?), le roman psychologique (la narratrice ne sombre-t-elle pas peu à peu dans la paranoïa, voire la folie ?), et le roman gothique (des paysages oniriques, de la grisaille menaçante, un manoir majestueux et inquiétant, peut-être même hanté…). La magie de Rebecca est de mêler ainsi, d’habile façon, le roman gothique du XIXe siècle, l’intrigue à suspense du XXe, et le roman psychologique. Le tout fait de Rebecca un roman à l’inquiétante étrangeté, hypnotique, terriblement efficace et qui, une fois refermé, garde ses ambiguïtés et une part de mystère.
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⭐⭐⭐ Daphné Du Maurier, Rebecca (Rebecca), traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff, éditions Le Livre de Poche, 2016 (1938), 632 pages, 8,30 €.
Du même auteur : Le Général du Roi.
un excellent roman, que j’ai relu, et comme j’avais oublié la fin, c’était encore meilleur
As-tu vu l’excellente adaptation d’Hitchcock ? Je trouve son final encore meilleur, plus fort, que celui du livre !
Un incontournable… j’ai découvert Du Maurier avec ce titre (il y a une éternité) et depuis elle ne m’a jamais déçue (enfin presque, j’ai eu quelques réserves à la lecture du Bouc émissaire et du Mont Brûlé, mais il ne s’agit pas non plus de ses œuvres les plus connues !)
D’elle j’ai aussi lu « Le général du Roi » (un tout autre style !), que j’ai beaucoup aimé.
Roman qu’il faut à tout prix que je lise. En voyant l’article, j’en fais une priorité 🙂 merci
Oui, oui, il FAUT ! 😉
Comme j’ai aimé ce roman à l’inquiétante étrangeté!
« inquiétante étrangeté » : c’est exactement ça !
Que j’aime ce livre lu et relu !
Comme je te comprends ! 😉
Ah, cette première phrase! J’ai adoré ce roman, lu ado… et plusieurs reprises après!
C’est en effet le genre de livre toujours agréable à relire !