En 2004 à Istambul.
À quelques minutes de la fin d’un spectacle auquel j’assiste, surgit comme de nulle part une bande d’hommes qui exécute une danse folklorique très courte et disparaît aussitôt.
Une émotion profonde, presque archaïque, m’envahit.
Était-ce leur danse ou le vide laissé par leur disparition qui m’a bouleversé ?
Bien que floue, cette sensation est restée depuis ancrée en moi.
Le point de départ de ce nouveau projet est la réminiscence ou plutôt la recherche de ce que ce souvenir a déposé en moi. »
Christian Rizzo
Sur le plateau dépouillé entrent un à un huit danseurs, chacun se glissant dans la gestuelle de son prédécesseur et l’augmentant d’une nouvelle posture en lents mouvements synchrones… Une communauté d’hommes qui se réunit pour une danse/transe, entre rituel ancestral et modernité.
Photo : Marc Domage
Sans accompagnement musical, la composition déconcerte dans un premier temps… Soudain, les deux batteries qui surplombent le plateau, tenues par le compositeur Didier Ambact et King Q4, déferlent. Sur un seul et même morceau (aux confins de la musique tribale, du rock psychédélique et du dub), les batteurs (formidables !) déclenchent rafales et chaos et amorcent doucement mais inexorablement une levée de mouvements chez les huit hommes présents sur scène. L’intensité de leurs percussions – frappes sèches, répétitives, binaires, rythme furieux – délivre les corps : les gestes jusque-là un peu « serrés », comme retenus, s’ouvrent, s’amplifient, la composition se complexifie. Des mouvements surgissent, résidus de gestes anciens comme inscrits dans les gènes : roulements de bassin, ondulations du dos, hommes qui se tiennent par l’épaule et s’alignent, paumes qui se tournent vers le ciel… Les danseurs martèlent leurs pas, vrillent, sautent et voltent, scandent leurs gestes en variations minimalistes. Des mains se joignent, un bras entoure des épaules, des rondes se forment, se répètent, se font et se défont, des cercles se brisent… Progressivement, des solos, des duos ou des trios font sécession, composent des sous-ensembles indépendants mais susceptibles de se rejoindre pour créer un unisson aussitôt rompue. Régulièrement, un corps allongé rappelle les motifs de la chute et de la mort (obsessionnels chez Rizzo). Mais c’est la jouissance d’être en vie, celle d’être ensemble, l’excitation viscérale de la danse, qui priment et l’emportent.
Photo : Marc Domage
Photo : Christophe Raynaud de Lage
La gestuelle mêle avec fluidité le populaire et le contemporain, le folk et le sacré en une danse tribale qui devient transe virile et pulsionnelle. La pièce, habitée de réminiscences folkloriques et d’images primitives, où affleure quelque chose d’archaïque, est magnifique d’humilité et de plénitude. Elle emplit le cœur d’une jubilation inattendue ! On est à la fois dérouté, transporté et enthousiasmé !
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❤ D’après une histoire vraie
Conception, chorégraphie, scénographie et costumes de Christian Rizzo / L’association fragile
Musique de Didier Ambact et King Q4
Lumière de Caty Olive
Avec Fabien Almakiewicz, Didier Ambact, Yaïr Barelli, Massimo Fusco, Miguel Garcia Llorens, Pep Garrigues, Kerem Gelebek, King Q4, Filipe Lourenco, Roberto Martínez
Durée : 1h10
Spectacle vu le 12/02/2014 au TNT, Théâtre National de Toulouse.
Cela m’aurait bien tenté !
Un très beau spectacle ! Si tu en as l’occasion, je te le conseille vivement !