Soledad, la soixantaine, engage un escort pour l’accompagner à l’opéra et rendre son ex jaloux. Mais le jeune homme est très attirant et Soledad n’a pas renoncé au désir… Sauf que ce qui ne devait être qu’un bref moment va se transformer en une étrange relation et le petit jeu amusant et excitant du début vite devenir vertigineux, voire dangereux.
Dans ce bref roman, Rosa Montero ausculte un être au bord de la rupture, une femme qui, à un moment, fait le bilan de sa vie, de ses ambitions, de ses amours, de ses espoirs… et son bilan est assez amer : la concurrence professionnelle d’une jeune ambitieuse, le corps qui s’affaisse, le temps qui accélère et, obsédante, la peur de vieillir, de l’échec, de la marginalisation, de la folie, de l’amour même… Rosa Montero excelle pour décrire les tourments qui déchirent son personnage mais aussi sa sensualité obstinée, son désir lancinant, sa jouissance. Car Soledad, peu disposée à se résigner, ne manque ni d’humour ni de combativité : elle espère, elle désire, elle agit ! Elle se révèle à la fois drôle et pathétique, aussi attachante qu’irritante, et plus fragile qu’elle ne le laisse paraître.
Rosa Montero use d’une écriture fluide et alerte qui nous embarque totalement dans cette histoire très rythmée, un brin farfelue, cruelle mais aussi très juste. Elle mêle habilement fiction, provocation et réflexion, et nous parle tout à la fois des failles et des souffrances de l’enfance, de regret, de solitude, du besoin d’aimer et d’être aimé, de la folie souterraine, de la mort qui approche… Elle se saisit de tout, sans nécessairement s’attarder, mais toujours avec acuité. Enfin, pour surpasser les douleurs intimes, elle brandit le pouvoir de la culture et la place vitale de l’Art, ce qui ne pouvait que me parler, forcément !
Féroce et sans tabou, La chair est un roman très contemporain à l’équilibre fragile, dont l’ironie caustique et la tendresse allègent la noirceur mélancolique.
Peut-être était-ce la désolation d’avoir atteint soixante ans, alors qu’intérieurement elle en avait toujours seize. (p. 142)
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⭐⭐ Rosa Montero, La chair (La Carne), traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse, éditions Métailié, 2017 (2016), 190 pages, 18 €.
Du même auteur : La fille du Cannibale & Le Territoire des Barbares.
Une de mes auteurs chouchous, je dois en avoir tout lu!
Un de mes auteurs chouchous aussi… Je n’ai pas encore tout lu mais je m’y emploie ! ^^
J’aime, chez Rosa Montero, sa capacité à varier les thèmes et les genres, généralement avec talent.. Je n’ai pas lu ce titre, mais je note, « noirceur » et « ironie caustique », ça me dit bien !
Elle se renouvelle sans cesse, c’est un plaisir de découvrir chacun de ses textes.
Je ne sais même plus si j’ai déjà lu l’auteure. Il faudrait hein. Celui-ci me tente bien.
Oh oui, il faut ! 🙂
J’ai particulièrement aimé « L’idée ridicule de ne plus jamais te revoir »…
Ce roman ne pouvait que me séduire par son thème et puis j’aime tellement l’écriture de Rosa Montero !
J’adore moi aussi l’écriture de Rosa Montero ! ^^
Je garde un bon souvenir de lecture de ce livre qui m’avait paru un peu fouillis.
Un peu fouillis oui, mais c’est parce que dans la tête de Soledad, c’est aussi le fouillis ! 😉
J’adore cet auteur mais j’ai aimé 4 de ses romans et j’ai abandonné le territoire des barbares. Je crois que j’ai encore un de ses romans dans ma PAL. De toute manière, je veux tout lire de cet auteur…
Moi aussi j’adore cette autrice et je compte bien lire tous ses romans ! J’admets que « Le territoire des barbares » est assez déroutant…